Par Éric Zemmour
Publié le 17/04/2009 dans Le Figaro MagazineJe vous parle d'un temps que les moins de 20 ans ne peuvent pas connaître. Les ministres, en ce temps-là, remplissaient une mission.
L'Etat, la République, la France, la gauche ou mon général, ils en avaient plein la bouche. Costumes trois pièces et langue de bois. Télé en noir et blanc même sur écran couleur. Candidats à rien, mais prêts à tout. Une dignité empreinte de gravité. Servir seulement, disaient-ils. Personne n'en croyait mot. On savait l'ambition, la manigance, la courtisanerie. Mais on la cachait avec soin. On était choisi pour ses « compétences » ; mais aussi (surtout) pour son poids politique dans le parti, dans sa région ou sa ville. Son amitié avec le Président.
Rien n'a changé ? Si, le style. Et le style, c'est l'homme. Désormais, on revendique tout de chic. En toute franchise. Toute transparence. L'ambition, on la porte en sautoir sur une robe Dior ou une chemise sans cravate. On imite le chef qui songeait à l'Elysée en se rasant. On croit ainsi lui complaire.
Justice, Education, Agriculture, c'est la foire d'empoigne. On fanfaronne, on s'époumone. On revendique, on s'agite, on soigne son bruit médiatique. On envoie une lettre de motivation au PDG de la French Corporation Inc. Parfois, il reçoit une boîte de chocolats. On lui réclame promotion, faveur, soutien.
Le Président a composé son gouvernement sur des critères « new style » : avoir de bons sondages de popularité, bien passer (et souvent) à la télévision, être une femme ou un enfant d'immigré récent. La compétence ou le poids politique n'ont aucune importance : l'Elysée s'occupe de tout. La notion de remaniement est vidée de son sens puisque la notion de gouvernement n'a plus vraiment cours.
Nos ministres sont fringants, dynamiques, transparents. Les anciens étaient ternes, austères, hypocrites. De grâce, rendez-nous l'hypocrisie.