Publié sur Le Figaro le 28/02/2008
L'analyse d'Éric Zemmour, grand reporter au service Politique du Figaro.
Je vous parle d'un temps que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître. La gauche, en ce temps-là, faisait razzia sur les municipales après les cantonales. Le président venait à la télévision commenter les résultats, vêtu de grand deuil. Depuis son élection, il avait pourtant tout changé. Il était jeune. Il était moderne. Il était européen. Libéral mais pas dogmatique. Il était fasciné par le mythe Kennedy. Il n'hésitait pas à médiatiser sa famille. À l'américaine. Il avait dépoussiéré, désacralisé la fonction. Il avait fait l'ouverture vers «des personnalités de gauche». Il maniait admirablement la télévision et semblait y coucher.
C'était en 1977. Les élections municipales furent un triomphe pour la gauche. On remarqua surtout l'improbable basculement à gauche de deux grandes régions, la Bretagne et l'Alsace, qui donnaient leurs voix à la droite depuis des décennies. La tradition du catholicisme social passait à gauche. Et c'est paradoxe le protestant Michel Rocard qui en devint la figure de proue. Cette «deuxième gauche» avait rejoint la première, alors dirigée par Mitterrand, quelques mois après la présidentielle de 1974. Les nouvelles couches moyennes salariées, grandes bénéficiaires des Trente Glorieuses, renforçaient la vieille gauche des profs et des ouvriers.
Trente ans plus tard, cette deuxième gauche est devenue la première. Elle tient l'appareil du PS. Les couches sociales moyennes qui la soutiennent toujours sont les dernières à pouvoir habiter au cœur des grandes villes. Les plus aisés, les fameux bobos, gardent le cœur de leur jeunesse à gauche ; les moins riches tirant le diable par la queue, locataires dans des centres-villes désormais vouées aux propriétaires et aux touristes, souffrent de précarisation, réelle ou comparative. Ceux qui sont en dessous, dans l'échelle sociale, ont lâché prise, et quitté le centre-ville pour la périphérie, de plus en plus loin. Lors du référendum sur l'Europe, ceux-ci ont voté non, ceux-là ont voté oui. Dans les grandes villes, la classe moyenne supérieure frôle sans les côtoyer les habitants des quartiers populaires où domine une population issue de l'immigration arabo-africaine. C'est ce que les sociologues appellent pudiquement les «très aisés» et les «très aidés». C'est la nouvelle sociologie qui structure désormais les grandes villes «mondialisées». Nouvelle polarité qui a fait un triomphe à Ségolène Royal, lors de la présidentielle : Paris, Lyon sont déjà passées à gauche. Toulouse et Bordeaux ne devraient pas tarder. Nantes est demeurée à gauche depuis 1977 ; Strasbourg devrait y revenir ; et si Gaudin ne perd pas Marseille en 2007, ce sera un miracle dû paradoxalement à une modernisation inachevée ; la gauche prendra la ville la prochaine fois. À Bordeaux, Juppé a été un maire exemplaire, refaçonnant la ville selon les canons de la «gouvernance» d'aujourd'hui : il a donc perdu les législatives en 2007. Et seul un remords de ses électeurs peut cette fois sauver sa mairie.
Partout, cette nouvelle sociologie hésite entre PS et Modem. Voilà pourquoi à Dijon, Montpellier, Grenoble, Roubaix, le PS est allié au MoDem dès le premier tour. À Aix-en-Provence, le MoDem se gauchise pour faire la peau de l'UMP. À Lyon, les centristes sont partout. À Paris ou ailleurs, on attend prudemment le second tour pour convoler. En 1977, Mitterrand verrouillait l'Union de la gauche, obligeant même Gaston Defferre à renoncer à ses amitiés centristes de Marseille. Trente ans plus tard, c'est le grand déverrouillage, les centristes reviennent à gauche, sans que le PS, pusillanime, n'ose assumer la nouvelle ligne social-libérale. Mais, les programmes municipaux parlent d'eux-mêmes : il n'y a guère de différences entre ceux de l'UMP, du PS ou du MoDem : partout des «coulées vertes» écologiques, partout des «logements neufs» pour retenir le dernier carré des classes moyennes, partout des «zones franches».
Lors de la présidentielle, Nicolas Sarkozy avait gagné dans l'est de la France, et séduit une base populaire qu'il avait en partie arrachée à Le Pen. À l'Ouest et dans les grandes villes, Royal et Bayrou s'étaient disputé le même électorat. Au bout de neuf mois, les électeurs de Sarkozy ouvriers, employés ou vieux rurbains sont déçus par la stagnation du pouvoir d'achat ou agacés par le côté soixante-huitard d'un président qui semble «jouir sans entraves» . En face, l'antisarkozisme culturel des grandes villes plastronne. Les édiles de droite tentent de sauver leur mise en cachant le sigle de l'UMP et en centrant le débat électoral sur le terrain local.
Mais le vent national souffle trop fort. La polarisation sociologique révélée par la présidentielle rendait déjà les municipales ingagnables par la droite. L'intérêt exclusif porté par les médias aux grandes villes, aggravait la situation. On l'a déjà vu en 2001, lorsque la seule prise de Paris et de Lyon occulta la défaite globale de la gauche de Jospin. C'est pourquoi Sarkozy avait songé à avancer la date des municipales dans la foulée de la présidentielle.
La crise économique américaine et l'agacement provoqué par la désacralisation de la fonction risquent de transformer la défaite inévitable en déroute.
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jeudi 28 février 2008
mercredi 27 février 2008
mardi 26 février 2008
Zemmour vs Georges Frêche
Georges Frêche, président socialiste de la région Languedoc-Roussillon, et ancien maire de Montpellier, propose de ramener une statue de Lénine depuis Seattle afin de l’installer en plein coeur de Montpellier.
Au-delà du coût exorbitant de cette opération (prix de vente entre 100 000 et 170 000 euros, sans compter les frais de rapatriement), nous ne pouvons accepter de voir le symbole de la révolution russe prendre place au cœur de Montpellier.
samedi 23 février 2008
jeudi 21 février 2008
mercredi 20 février 2008
mardi 19 février 2008
lundi 18 février 2008
Zemmour dans "Ca se dispute" le 15/02/2008 sur I-télé
Sujets :
- La Shoah dès le CM2 ?
- Neuilly, centre du monde ?
- La Droite anti-Sarko se reveille
- Un Traité à la trappe ?
vendredi 15 février 2008
jeudi 14 février 2008
Conférence avec Eric Zemmour du 12 Février 2008 : le podcast audio
"Les Epées" organisait le 12 Février une conférence à Paris en présence d'Eric Zemmour. Deux cents personnes étaient présentes et purent poser des questions directement à l'auteur au sujet de son dernier roman "Petit Frère", et s'en suivit une séance de dédicasses.
N'hésitez pas à commenter cette soirée, et si vous avez des photos, à nous les envoyer sur notre e-mail (voir à droite).
"Petit frère", le dernier roman d'Eric Zemmour, est disponible depuis début Janvier 2008.
N'hésitez pas à commenter cette soirée, et si vous avez des photos, à nous les envoyer sur notre e-mail (voir à droite).
"Petit frère", le dernier roman d'Eric Zemmour, est disponible depuis début Janvier 2008.
mercredi 13 février 2008
Zemmour, romancier balzacien
Stéphane Hoffmann, Le Figaro
11/02/2008
«Petit frère», roman d'Eric Zemmour Denoël, 338 p., 20 euros.
Eric Zemmour, ça n'est tout de même pas rien. Il compte, en France. Et comptera de plus en plus. Il irrite, séduit, agace, et toujours il passionne, car il n'envoie pas dire ce qu'il a à dire, surtout quand c'est à contre-courant de l'idéologie dominante. Il vient de faire un joli scandale avec son essai Le Premier Sexe et s'apprête à en faire un autre avec ce roman que binoclards, chaisières et ligues de vertus vont combattre. Pour de mauvaises raisons.
Ce roman est une fresque de la France de ces vingt dernières années. Tableau balzacien d'une époque qui n'est plus balzacienne. Comme la plupart des romanciers balzaciens, Zemmour peint d'après nature, s'inspirant d'un fait divers réel, le meurtre de Sébastien Sellam, un jeune Juif assassiné, en 2003, par un jeune Arabe, son meilleur ami. Dans le XIXe arrondissement de Paris, les tribus se font la guerre depuis que l'idée de nation a été combattue avec la complicité de ceux-là mêmes qui en avaient la charge. Les personnages, même les plus féroces, sont les victimes d'une malédiction, comme dans les opéras ou dans les tragédies. Nous vivons la tragédie de la perte, par snobisme, de cette idée d'une nation, la France, qui rassemble les hommes.
Si la France baisse, les communautés s'affrontent : voilà l'analyse du livre d'Eric Zemmour, qui n'est pourtant pas, Dieu merci, un roman à thèse. C'est un roman très vivant avec quelques naïvetés qui donnent de la fraîcheur : ici, il confond Pierre et Claude Brasseur ; là, on voit un « chauffard dangereux », pléonasme ; là encore, Anne « tire sa cigarette », et autres vétilles d'un écrivain emporté par son sujet.
C'est d'ailleurs une bonne idée d'avoir choisi le roman plutôt que l'essai : pour comprendre une époque et annoncer son évolution, le roman, c'est encore ce qu'il y a de mieux. Voyez l'admirable Creezy de Félicien Marceau (autre balzacien), paru en 1969, et racontant la passion d'un homme politique de premier plan pour un top-modèle.
Le livre d'Eric Zemmour est un nouvel exemple : tout roman réussi est la radiographie d'une époque. Il est donc souvent prophétique. Petit frère donne froid dans le dos, et on ferait bien de lui porter l'attention qu'il mérite.
11/02/2008
«Petit frère», roman d'Eric Zemmour Denoël, 338 p., 20 euros.
Eric Zemmour, ça n'est tout de même pas rien. Il compte, en France. Et comptera de plus en plus. Il irrite, séduit, agace, et toujours il passionne, car il n'envoie pas dire ce qu'il a à dire, surtout quand c'est à contre-courant de l'idéologie dominante. Il vient de faire un joli scandale avec son essai Le Premier Sexe et s'apprête à en faire un autre avec ce roman que binoclards, chaisières et ligues de vertus vont combattre. Pour de mauvaises raisons.
Ce roman est une fresque de la France de ces vingt dernières années. Tableau balzacien d'une époque qui n'est plus balzacienne. Comme la plupart des romanciers balzaciens, Zemmour peint d'après nature, s'inspirant d'un fait divers réel, le meurtre de Sébastien Sellam, un jeune Juif assassiné, en 2003, par un jeune Arabe, son meilleur ami. Dans le XIXe arrondissement de Paris, les tribus se font la guerre depuis que l'idée de nation a été combattue avec la complicité de ceux-là mêmes qui en avaient la charge. Les personnages, même les plus féroces, sont les victimes d'une malédiction, comme dans les opéras ou dans les tragédies. Nous vivons la tragédie de la perte, par snobisme, de cette idée d'une nation, la France, qui rassemble les hommes.
Si la France baisse, les communautés s'affrontent : voilà l'analyse du livre d'Eric Zemmour, qui n'est pourtant pas, Dieu merci, un roman à thèse. C'est un roman très vivant avec quelques naïvetés qui donnent de la fraîcheur : ici, il confond Pierre et Claude Brasseur ; là, on voit un « chauffard dangereux », pléonasme ; là encore, Anne « tire sa cigarette », et autres vétilles d'un écrivain emporté par son sujet.
C'est d'ailleurs une bonne idée d'avoir choisi le roman plutôt que l'essai : pour comprendre une époque et annoncer son évolution, le roman, c'est encore ce qu'il y a de mieux. Voyez l'admirable Creezy de Félicien Marceau (autre balzacien), paru en 1969, et racontant la passion d'un homme politique de premier plan pour un top-modèle.
Le livre d'Eric Zemmour est un nouvel exemple : tout roman réussi est la radiographie d'une époque. Il est donc souvent prophétique. Petit frère donne froid dans le dos, et on ferait bien de lui porter l'attention qu'il mérite.
mardi 12 février 2008
dimanche 10 février 2008
Cali "lamentable" face à Zemmour & Nolleau chez Ruquier
Extrait de l'émission "On n'est pas couché" du samedi 09 Février 2008
Éric Zemmour: «Certains veulent se payer le chroniqueur de Ruquier»
Publié le 09/02/2008 sur le site de TVMAG
Éric Zemmour, l'intraitable chroniqueur de Laurent Ruquier, inverse les rôles. Il redevient un invité des plateaux télé pour parler de son nouveau roman, «Petit Frère» (Denoël), inspiré d'un fait divers. Face aux critiques, il nous livre ses explications.
Cela fait quoi d'être un critique critiqué à propos de son nouveau livre?
Éric Zemmour: On me reproche d'avoir utilisé un fait divers comme trame de mon roman. Mais je constate deux types de réaction. Il y a d'abord les critiques qui viennent d'écrivains, comme Philippe Besson. Celles-ci me réjouissent. Et puis, il y a celles des présentateurs qui m'invitent dans leurs émissions pour se payer le chroniqueur de Ruquier en jouant au procureur. Cela dénote une grande ignorance de la littérature. Les lecteurs de romans savent que tous les auteurs depuis 150 ans s'inspirent de la réalité.
En disant «se payer», faites-vous allusion à l'altercation qui s'est produite dans l'émission «Revu et corrigé» de Paul Amar?
Oui. C'était irréel. J'avais l'impression d'être dans mon livre! Justement, j'y décris ce retour du religieux et du moralisme avec un journaliste bien-pensant. La réalité dépasse la fiction! Ceux que mon roman dérange devraient retourner lire «Oui-Oui», ce n'est pas violent.
Que pense de votre livre Éric Naulleau, votre complice d'«On n'est pas couché», également chroniqueur littéraire?
Je ne sais pas. Il m'a dit qu'il avait envie que nous en parlions, mais nous n'en avons pas encore eu le temps. J'adorerais avoir son avis. C'est un fin critique.
Avez-vous envie de vous offrir votre propre émission?
Je me vois plus comme un polémiste, car je défends des idées, des points de vue sur le monde, la société et la culture. Je serais très heureux de continuer ce rôle avec Laurent Ruquier. Mais rien n'est encore décidé. Quant à avoir mon émission, je ne sais pas. Je suis avant tout un écrivain. C'est mon univers. La télévision, j'apprends encore!
"Petit frère", le dernier roman d'Eric Zemmour, est disponible depuis début Janvier 2008.
Éric Zemmour, l'intraitable chroniqueur de Laurent Ruquier, inverse les rôles. Il redevient un invité des plateaux télé pour parler de son nouveau roman, «Petit Frère» (Denoël), inspiré d'un fait divers. Face aux critiques, il nous livre ses explications.
Cela fait quoi d'être un critique critiqué à propos de son nouveau livre?
Éric Zemmour: On me reproche d'avoir utilisé un fait divers comme trame de mon roman. Mais je constate deux types de réaction. Il y a d'abord les critiques qui viennent d'écrivains, comme Philippe Besson. Celles-ci me réjouissent. Et puis, il y a celles des présentateurs qui m'invitent dans leurs émissions pour se payer le chroniqueur de Ruquier en jouant au procureur. Cela dénote une grande ignorance de la littérature. Les lecteurs de romans savent que tous les auteurs depuis 150 ans s'inspirent de la réalité.
En disant «se payer», faites-vous allusion à l'altercation qui s'est produite dans l'émission «Revu et corrigé» de Paul Amar?
Oui. C'était irréel. J'avais l'impression d'être dans mon livre! Justement, j'y décris ce retour du religieux et du moralisme avec un journaliste bien-pensant. La réalité dépasse la fiction! Ceux que mon roman dérange devraient retourner lire «Oui-Oui», ce n'est pas violent.
Que pense de votre livre Éric Naulleau, votre complice d'«On n'est pas couché», également chroniqueur littéraire?
Je ne sais pas. Il m'a dit qu'il avait envie que nous en parlions, mais nous n'en avons pas encore eu le temps. J'adorerais avoir son avis. C'est un fin critique.
Avez-vous envie de vous offrir votre propre émission?
Je me vois plus comme un polémiste, car je défends des idées, des points de vue sur le monde, la société et la culture. Je serais très heureux de continuer ce rôle avec Laurent Ruquier. Mais rien n'est encore décidé. Quant à avoir mon émission, je ne sais pas. Je suis avant tout un écrivain. C'est mon univers. La télévision, j'apprends encore!
"Petit frère", le dernier roman d'Eric Zemmour, est disponible depuis début Janvier 2008.