samedi 28 février 2009

Le déclin des Régions

Par Eric Zemmour
Publié le 27/02/2009 dans Le Figaro


Elle fut une star. Longtemps, elle symbolisa l'avenir. Les « modernes » de droite et de gauche avaient les yeux brillants quand ils prononçaient son nom en allemand : Land. La Région avait ringardisé le département ; elle devait même remplacer l'Etat-nation, au sein de la glorieuse « Europe des régions ». Si le comité Balladur est écouté, les Régions perdront pourtant leur compétence générale. Leur liberté de se mêler de tout. Cantonalisées, départementalisées. Recadrées sur des missions économiques.

Les circonscriptions administratives furent historiquement liées au mode de déplacement. Le paysan se rendait à pied dans sa commune, avant de rentrer chez lui, à la nuit tombée. Le chef-lieu du département était de même atteint en une journée de cheval. La région était liée à l'automobile. Le TGV a tué la région. Et redonné des couleurs au colbertisme. Nos Régions ne seront jamais des Länder ou des Generalidades. Rhône-Alpes ne sera jamais le Piémont. Nous n'avons pas cette histoire ; nous ne l'aurons jamais. La France est un peu comme ces pays sous-développés qui passent directement au téléphone portable, sans passer par le fixe, et sautent directement à la technologie la plus récente. L'avenir appartient aux grandes métropoles qui, à l'instar du Grand Paris, peuvent accueillir sans ridicule des sièges sociaux. Lyon, Marseille, Toulouse, Nice, Lille, Strasbourg. Bordeaux pour faire plaisir à Juppé.

La Région fut un rêve d'élites. Jamais les populations locales ne s'y sont attachées. Au contraire de la commune, mais aussi du département, comme l'a montré la picrocholine guerre des plaques d'immatriculation. La Fontaine aurait aimé l'histoire de la Région : celle de la grenouille qui veut se faire aussi grosse que le bœuf ; et finit par éclater.
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14 commentaires:

  1. Etes-vous bien sûr que ceci soit valable pour toutes les régions? Un exemple : la Franche-Comté, qui, dans ses contours actuels, existait déjà du temps de la Gaule Chevelue, et qui est la seule région dont la conquête par la France ait donné lieu à une guerre (deux guerres, même). Mais, au sujet de l'identité régionale, on pourrait sans doute en dire autant, sinon plus (la langue), de l'Alsace.
    Alors, un rêve d'élite?
    L'histoire de France n'a pas commencé dans les années 1960, vous le dites si bien d'habitude...
    Ceci étant, merci d'enrichir le débat public

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  2. On pourrait parler de la Bretagne aussi, etc...

    Mais il est indeniable que il n'y rien d'equivalent aux Länders ou aux regions espagnoles en France (Songez un peu, lois differentes, langues differentes-y compris dans l'administration, etc...-), la France est beaucoup plus centralisée, et donc le régionalisme moins marqué.

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  3. "la seule région dont la conquête par la France ait donné lieu à une guerre"
    Il y a eu plus de militaires Français morts en France qu'en Algérie.
    Lorsque Gênes céda ses droits sur l'île à la France, celle ci s'était dotée entre temps d'une république, ça a fini en bain de sang entre les deux nations.

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  4. mort en Corse pardon, pas en France (quoique)
    Mon lapsus prouve bien l'absence de toute pensée indépendantiste ^^

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  5. J'allais le dire, Harry Callahan! Et la Bretagne? Si au moins le comité Balladur prône le retour de la Loire-Atlantique à la Bretagne (décision du gvt Pétain, la séparation), ce sera une bonne chose. Encore faut-il que les Rennais etle prince qui nous gouverne en soient d'accord, ce qui n'est pas joué. Mais pourquoi dépecer la Picardie, qui n'a rien demandé? Et quid de l'Auvergne? Nan mais ça va pas, non?

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  6. @Bonavita: oui, la Corse, c'est la France :) Merci !

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  7. Un des francais les plus connus etait corse.,,

    Mais cela dit Zemmour a raison, le régionalisme faible est caractéristique de la France, les visiteurs etrangers le voient tout de suite, meme si les francais le voient souvent moins...
    Ailleurs on ne revendique pas la difference regionale, ou on n'essaie pas de la marquer administrativement par le biais de l'Etat centralisé ( ! )...
    Elle est très concrete.

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  8. C'est ce que Pierre Hillard avait dénoncé -et dénonce toujours- dans ces bouquins.

    http://www.amazon.fr/s?ie=UTF8&tag=firefox-fr-21&index=blended&link_code=qs&field-keywords=pierre%20hilard&sourceid=Mozilla-search

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  9. Oui, mais:
    "Minorités et Régionalismes dans l'Europe Fédérale des Régions : Enquête sur le plan Allemand qui va boulverser l'Europe (Broché)
    de Pierre Hillard (Auteur)
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    Actuellement indisponible.
    Nous ne savons pas quand cet article sera de nouveau approvisionné ni s'il le sera."
    Donc, les bonnes bibliothèques...

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  10. En lien ci-dessous, une petite réponse cinglante aux affirmations de Zemmour. On voit mal en effet comment le déclin de la France pourrait être surmonté en provoquant celui de ses régions ? Ou alors, il conviendrait de redéfinir cette nouvelle France sans racine... On pourrait appeler ça "France 2" par exemple ?!

    A lire (surtout si l'on est un jacobin obtus) :
    http://alsace.novopress.info/?p=807

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  11. Commentaire d'un Alsacien qui aime sa Région et qui croit en l'Europe.



    Vu de Paris, Éric Zemmour a du mal à imaginer un traitement différencié des Régions françaises.
    C'est pourtant ce qui finira par arriver. Car l'Alsace, région frontalière forte de sa double culture, de sa situation dans le bassin rhénan, de son histoire mouvementée, de ses particularismes qui sont autant d'atouts pour l'avenir, a besoin d'une organisation institutionnelle particulière. Ce sont les Alsaciens eux-mêmes qui vont l'exiger de leurs élus. Les deux départements alsaciens et la Région ne formeront bientôt qu'une seule entité. Cela viendra plus vite qu'on ne le pense.

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  12. Donner toujours plus de pouvoirs aux régions, c'est dans l'optique d'aller vers une Europe des régions soutenue directement par Bruxelles: c'est d'autant plus logique quand on pense à la politique de délégitimisation des Etats-nation, voire de dénigration systématique traitant de passéistes ceux qui soutiennent les souverainetés nationales et ne souhaitent pas leurs désintégrations. Après ayant vu l'éclatement de la Yougoslavie, de l'URSS sous nos yeux, est-ce que nos Etats-nation survivront aux déferlements de nationalismes égoïstes, régionalismes en tout genre (Corse, Pays basque, Catalogne, Bretagne...)? On en est pas sûr. Le précédent du Kosovo donne du grain à moudre à tous ces Messieurs qui veulent en finir pour toujours avec cette idée d'État-nation qui veulent définitivement vouer aux gémonies. Je ne pense pas personnellement qu'ils réussiront leurs sombres desseins, sans toutefois partager la vision un peu apocalyptique d'un Pierre Hillard.

    Voici la déclaration officielle du MRC (Mouvement Républicain et Citoyen) auquel je me tiens, qui va dans le sens de ce que dit Zemmour...


    Rapport Balladur : défaire la France ?


    Par Etienne Butzbach, maire de Belfort, Président de la communauté de l’Agglomération Belfortaine
    Secrétaire national du MRC.


    Sur le fond, le rapport du comité Balladur s’inscrit dans une logique européiste dépassée reposant sur une double fiction : une Europe des régions qui fait l’impasse sur la réalité des Etats ; une métropolisation qui concentre dans quelques pôles urbains l’essentiel des potentiels de développement au détriment d’un véritable aménagement du territoire. Laisser faire ces tendances, largement encouragées par la mondialisation libérale en crise aujourd’hui, c’est fragmenter et balkaniser l’intervention publique avec le risque de défaire la France.

    Comment dans un rapport sur l’organisation territoriale du pays éluder aussi complètement la question fondamentale du rapport entre l’Etat et les collectivités décentralisées ? Le désengagement de l’Etat d’un certain nombre de grandes fonctions d’équilibre des territoires - financement des grandes infrastructures comme les lignes LGV, financement des politiques sociales - pose des problèmes majeurs de péréquation et de creusement des inégalités entre régions.

    Mais, au-delà de ses propositions autant provocatrices qu’infaisables de fusion-absorption de régions, de départements et de communes, dans un grand Paris improbable ou dans de grandes métropoles cumulant toutes les fonctions, le comité évoque certaines pistes qui devront nourrir le débat sur la nécessaire évolution de l’organisation territoriale.

    Il parait intéressant d’instaurer une relation plus organique entre les départements et les régions sur le modèle du couple communes/intercommunalités. Les départements devraient conserver un rôle actif dans une gestion de proximité des politiques de solidarités et de coordination des territoires urbains et ruraux. Les compétences stratégiques des régions dans les domaines du développement économique, des transports, de la formation et de la recherche devraient être renforcées, ainsi que des coopérations interrégionales sur des objectifs précis plutôt qu’une redéfinition des périmètres faisant perdre de vue l’essentiel. Encore faudra-t-il dans cette articulation nécessaire entre régions et départements que les conseillers territoriaux soient élus sur une base suffisamment large (scrutin de liste sur une base départementale). En ce sens la proposition visant à cantonaliser la région est parfaitement contradictoire avec les objectifs stratégiques qui sont lui sont assignés, et n’est sans doute pas exempte d’arrières pensées électorales.

    Pour l’intercommunalité, l’instauration d’un mode de scrutin désignant les élus communautaires sur la base de listes municipales va dans le bon sens, mais la proposition d’une entité unique faisant disparaître les communes dans les métropoles est inacceptable.

    Au final, ce rapport, après des effets d’annonce en fanfare, fait le constat du risque qu’il y aurait à supprimer tout impôt économique. C’est d’ailleurs aujourd’hui impossible juridiquement : depuis la modification constitutionnelle de 2003 : la disparition d’une ressource fiscale au bénéfice des collectivités locales, ne peut être que partiellement compensée par une dotation de l’Etat. Il serait également, de l’aveu même des rapporteurs, extrêmement néfaste de supprimer toute relation entre fiscalité et développement économique.

    Mais surtout, alors qu’une crise sans précédent appelle une vigoureuse intervention contracyclique des pouvoirs publics à tous les niveaux - mondial, européen, national et local-, quelle est la priorité d’un tel mécano institutionnel ? Le Mouvement Républicain et Citoyen juge plus urgent qu’un véritable plan de relance, s’appuyant sur les collectivités territoriales, apporte des réponses concrètes aux attentes de nos concitoyens.

    Tags : balladur, départements, institutions, intercommunalité, régions

    Vendredi 06 Mars 2009
    MRC

    Source: http://www.mrc-france.org/Rapport-Balladur-defaire-la-France_a85.html

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  13. Moi je parlais des particularismes culturels et historiques, les fameuses "racines", qui font la richesse de notre pays. C'est vrai que le dépeçage régionaliste serait apocalyptique pour la France, comme pour l'exemple cité, l'ex Yougoslavie. Je ne vois de positif dans le rapport Balladur que le retour du 44 à la Bretagne (dépeçage de la région Pays de la Loire?). Mais sur ce point, on fait l'impasse totale. Donc, une commission et un rapport pour rien.

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  14. "Mais surtout, alors qu’une crise sans précédent appelle une vigoureuse intervention contracyclique des pouvoirs publics à tous les niveaux - mondial, européen, national et local-, quelle est la priorité d’un tel mécano institutionnel ?"
    C'est la vraie question...Diversion? hochet médiatique?

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